Rencontre avec Mathieu LO créateur de la marque Nalin Eyewear
Olivia Coutant
2/6/20259 min read


Mathieu grandit dans une famille modeste du Tarn. Entre les sculptures de son père, ses propres dessins, et des essais musicaux, il a toujours eu un pied dans l’univers créatif. Pourtant, il suit un parcours scolaire général, obtient une licence de lettres en Angleterre, avant de réaliser à son retour en France que cette voie ne lui convient pas. À 25 ans, en quête de sens, il cherche un métier qui le passionne vraiment.
L’histoire de Mathieu c’est celle d’une transformation !
Découvrez son parcours et les étapes clés qui l’ont façonné.
Devenir opticien
Un jour, il tombe sur une fiche ONISEP décrivant le BTS Opticien Lunetier. Myope depuis toujours, il est intrigué par ce métier polyvalent, bien plus riche que son simple aspect commercial. Il décide alors de se lancer et intègre une formation en alternance à Castres.
Le hasard le mène chez un opticien historique d’Albi, ouvert depuis 1930 et possédant une collection de montures anciennes. Pendant deux ans, il relève les nombreux défis de l’apprentissage de ce métier complexe et exigeant. Grâce à sa ténacité, il maîtrise progressivement ses aspects techniques, commerciaux et liés à la santé visuelle.
Diplôme en poche, il est embauché en CDI dans le même magasin. Il se souvient encore de son tout premier examen de vue, une étape marquante : il est officiellement opticien. Il tisse des liens avec ses clients, qui viennent d’abord pour ses compétences, mais reviennent pour la relation de confiance qu’ils construisent ensemble au fil du temps.
Une simple mallette, une révélation
Tous les étudiants en BTS Opticien Lunetier connaissent cette fameuse mallette remplie d’outils intrigants. Pour beaucoup, c’est un mystère ; pour Mathieu, c’est un déclic. Lors de ses premiers cours de façonnage, il découvre qu’il peut fabriquer des montures. Curieux, il demande à ses professeurs des plaques de plastique pour s’exercer chez lui. Ce qui n’est qu’un exercice scolaire devient vite une passion.
Même après son CDI, il continue à créer, perfectionne ses gestes et s’équipe peu à peu d’un véritable atelier amateur. Machine après machine, ses outils se diversifient, et ses créations prennent forme.
Le Silmo : le déclic d’un nouveau projet
Une visite au Silmo, le prestigieux salon international de la lunetterie à Paris, avec son patron change tout. Initialement, ils viennent repérer de nouvelles marques de lunettes design pour le magasin. Mais en découvrant les collections des créateurs présents, Mathieu réalise qu’il peut, lui aussi, apporter quelque chose d’unique à cet univers. L’idée fait son chemin.
De retour dans le Tarn, il investit dans un ancien cabinet infirmier. Pour lui, c’est bien plus qu’une maison, c’est un espace où son atelier de rêve peut voir le jour. Il s’équipe de machines plus sophistiquées, perfectionne ses techniques et réfléchit sérieusement à se lancer.
Puis vient le Covid. Le ralentissement forcé l’amène à une introspection. Après 10 ans dans l’optique et devenu père, il aspire à plus de flexibilité pour être présent pour son enfant. La création de sa marque de montures, restée une idée, devient une évidence. Il pose les bases de ce nouveau projet et décide d’entamer une rupture conventionnelle.
Cette nouvelle aventure est alors actée : tout reste à construire, mais il sait qu’il est déterminé.
D’une idée à une collection concrète
Avec les bases de son projet solidement posées, Mathieu s’attaque enfin à l’étape la plus excitante et exigeante : l’élaboration de sa première collection. Conscient qu’il ne peut pas réinventer la lunette, il souhaite néanmoins y insuffler quelque chose d’unique, un reflet de son parcours et de ses influences, toutes ces choses qui ont marqué sa vie. Pour lui, concevoir une collection, c’est comme construire un édifice : cela se fait brique par brique, avec patience et rigueur.
Passionné d’architecture et grand voyageur, Mathieu puise largement dans cet univers pour dessiner ses modèles. Avec des dessins manuels et des croquis d’ordinateur, il commence à esquisser les contours de sa collection.
Au total, il réalise une trentaine de dessins. Mais la sélection doit être rigoureuse : seuls vingt modèles trouvent leur place dans la collection finale. Chaque lunette est ensuite prototypée une dizaine de fois, un processus minutieux où chaque détail compte. Mathieu ajuste, retouche et perfectionne, entre autres, le poids, l’épaisseur et l’esthétique pour s’assurer que chaque monture allie style, confort et qualité.
Une fois les formes validées, une nouvelle question cruciale se pose : celle des coloris. Là encore, l’architecture se révèle être une alliée précieuse. Chaque modèle se voit attribuer une identité visuelle propre, où les couleurs viennent sublimer les lignes.
Obstacles, défis et persévérance
Créer une marque de montures unique, qui reflète sa personnalité et son univers, est un véritable défi.
Par où commencer ? Comment structurer la production ? Lancer une première collection en un an est-il réaliste ? Autant de questions qui l’assaillent.
Si certains de ses proches accueillent son projet avec scepticisme, Mathieu peut compter sur un soutien indéfectible : sa compagne, institutrice, qui devient un véritable pilier dans cette aventure. Toujours présente, elle l’encourage à persévérer, à croire en son idée, même lorsque d’autres doutent. Mais pour Mathieu, les doutes de certains ne sont pas un frein, au contraire : ils deviennent un véritable moteur. Là où d’autres pourraient se décourager, lui y voit une source de motivation, une occasion de prouver qu’il peut réussir.
Très vite, un premier obstacle de taille surgit : le financement. Lancer un tel projet exige un budget conséquent et, surtout, une gestion rigoureuse des ressources. Mathieu doit identifier avec précision ses besoins : quelles machines acheter ? Comment organiser son atelier ? Où allouer ses priorités ? Dans ces moments de doute, il s’accroche à son souvenir du SILMO. Là-bas, il a rencontré des créateurs qui, eux aussi, ont surmonté des défis similaires avant de réussir. Alors, pourquoi pas lui ?
L’un des aspects les plus complexes concerne le choix des machines. Les fraiseuses à commande numérique, par exemple, nécessitent un investissement financier important, mais aussi une formation spécifique pour être maîtrisées. Se former devient une étape essentielle. Pour parfaire son savoir-faire, Mathieu part à Oyonnax, dans le Jura ( berceau historique de la lunetterie française ) où il suit une formation auprès de Patrice Pointet, un ancien de chez Bollé. Ce dernier lui transmet les techniques traditionnelles de fabrication tout en les adaptant aux exigences de son projet : produire en série tout en préservant l’authenticité artisanale. Cette expérience s’avère déterminante. Mathieu entame la formation avec un savoir-faire autodidacte, forgé dans son atelier personnel, et en ressort avec une véritable maîtrise des méthodes de fabrication de la lunetterie française. Désormais, il est prêt à produire ses propres modèles en série, tout en conservant l’âme et l’authenticité du savoir-faire français.




Regarder vers l’avenir
Pour Mathieu, l’avenir se dessine avec ambition et modération. Il souhaite équiper son atelier de nouvelles machines plus précises, améliorer encore la qualité de ses montures et élargir la distribution de Nalin Eyewear à toute la région Occitanie d’ici cinq ans. Grandir, oui, mais pas à n’importe quel prix. Il veut produire plus, mais de façon raisonnée.
Son souci du gaspillage l’amène également à conserver toutes les chutes de ses productions. Il espère, un jour, trouver un procédé pour les réutiliser et leur donner une seconde vie.
Au fil de cette aventure, Mathieu découvre que l’artisanat est avant tout une histoire de partage. Dans ce milieu où règnent entraide et transmission, il rencontre des figures marquantes, comme Sébastien Garnier, Meilleur Ouvrier de France, qui lui transmet des savoirs précieux. À son tour, Mathieu s’investit dans la transmission, partageant son parcours et ses apprentissages avec ceux qui souhaitent se lancer. Il sait que, dans la difficulté, il pourra toujours compter sur le soutien de ses collègues artisans.
Aujourd’hui, en faisant le bilan de son parcours, Mathieu mesure à quel point il a changé. D’un jeune homme perdu professionnellement et avec peu de confiance en lui, il est devenu un artisan accompli, toujours en quête de perfectionnement, un entrepreneur audacieux et ambitieux, et un père un peu plus disponible. Avec aujourd’hui trois enfants, il apprécie de pouvoir aménager ses horaires pour s’accorder des petits moments avec sa famille. Mais la liberté de l’entrepreneuriat (avec ses défis) est selon lui à double tranchant. Néanmoins, elle lui permet de vivre selon ses valeurs profondes et avec une activité qui le passionne.
Ces dernières semaines, une remarque l’a particulièrement marqué. Lors d’une visite de son atelier par un groupe d’opticiens venus découvrir l’univers de son travail, l’un d’eux lui a dit : "Ce n’est pas possible que vous réalisiez ça seul !". Grâce à ces mots, Mathieu a été amené à réfléchir sur lui-même et à reconnaître la valeur de son parcours avec fierté
Pour lui, tester les choses à sa manière et se tromper pour mieux redémarrer ont été les clés de sa réussite.
Aujourd’hui, Nalin Eyewear n’est pas seulement une marque de lunettes ; c’est le reflet d’un homme, de son histoire et de ses valeurs, qui vient enrichir le monde de l’optique lunetterie.
Une collection reflet d’une identité
Pour donner vie à sa marque, Mathieu doit lui trouver un nom. Un nom qui fait sens à son parcours. Ses parents, originaires du Laos et arrivés en France à l’âge de 20 ans, l’ont prénommé Nalin, un prénom laotien chargé de signification. Mais lors de leur naturalisation, ce prénom a disparu des registres officiels, remplacé par Mathieu. Pourtant, pour lui, ce prénom est bien plus qu’un souvenir : il représente une part fondamentale de qui il est. Sur les conseils de sa femme, Mathieu décide de redonner vie à ce morceau de son identité en baptisant sa marque Nalin Eyewear.
La philosophie de Nalin Eyewear repose sur un joli mélange : les racines laotiennes de Mathieu et le savoir-faire unique de la lunetterie française. Pour lui, la force de l’artisanat français réside dans sa capacité à transformer des matières brutes en œuvres d’une finesse remarquable.
Mathieu prend soin de choisir des matières premières qui respectent ses valeurs : des plaques en bi-acétate fabriquées en Italie à partir de fibres de coton, des rivets, des charnières et des verres de présentation provenant d’Allemagne. Chaque choix est guidé par la recherche de la qualité et une volonté de privilégier les fournisseurs européens proches de la France.
Mais c’est dans sa région, le Tarn, que Mathieu trouve l’inspiration pour concevoir un élément souvent mis de côté : l’étui. Le Tarn possède une riche tradition liée au cuir, avec ses mégisseries et ses générations d’artisans. À seulement 20 minutes de son atelier, il découvre une usine où il peut se procurer des peaux de cuir. En dessinant lui-même le patron de ses étuis et en les revêtant de ces peaux, il rend hommage à cette activité emblématique de sa région.
Après huit à neuf mois d’un travail acharné, le temps d’une grossesse, Mathieu voit enfin sa collection prendre forme. Son ancien patron lui propose d’être le premier distributeur exclusif de Nalin Eyewear à Albi et organise une soirée de lancement pour célébrer cette nouvelle aventure.


Le Tarn mis à l’honneur
Mathieu démarche et distribue lui-même sa collection, en se concentrant d’abord sur les opticiens de sa région. Grâce à une mise en valeur réfléchie de sa marque sur LinkedIn et Instagram , il commence à séduire des clients au-delà du Tarn, s’étendant progressivement à l’Aveyron et à la Haute-Garonne. Fidèle à ses principes, il répond aux commandes au fur et à mesure, sans surstocker, et vise une croissance progressive et raisonnée.
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Fier de sa région, il contribue à son artisanat par ses créations. Il décide d’apposer la gravure "Fabriqué dans le Tarn" sur tous ses modèles. Les porteurs de sa collection y sont très sensibles ; ils apprécient le fait de porter une monture de qualité, que l’on ne retrouve pas chez tout le monde, avec un joli design et surtout local ! C’est une petite fierté pour eux.




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